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La quête de sens au travail se dissout-elle dans le Coronavirus ?

Dans Illusions du management publié aux éditions La Découverte en 2003, le sociologue Jean-Pierre Le Goff soulignait que « le travail demeure une activité par laquelle les individus sont amenés à se forger une identité sociale, à entrer dans des rapports sociaux et à s’inscrire dans la collectivité ». On fait comment quand cette « collectivité » est mise à distance par écrans interposés ?
Publié le : 10 juin 2020

Nous sommes en post confinement et la plupart d’entre nous, clients comme collègues, continuent de travailler depuis chez eux en prolongeant par choix ou obligation la parenthèse sanitaire. Du strict point de vue professionnel, cette épidémie a permis de s’interroger sur la valeur de toute chose et celle de nos quotidiens en particulier. Le temps décomposé et le silence dont certains d’entre nous ont pu bénéficier a permis à l’esprit de vagabonder, de réfléchir à la place que nos professions prennent dans nos vies, avec ou sans Coronavirus. Et imaginer une autre façon de travailler ou un autre rapport à son activité a peut-être vu le jour chez certains d’entre nous. 

La vie d’avant est-elle révolue ? Aux États-Unis, certains employés de la Silicon Valley n’hésitent plus à changer d’état en raison de la pression immobilière et de la découverte que leurs tâches quotidiennes peuvent tout aussi bien être menées depuis le Nebraska. En France, des projets de reconversion, de vie en dehors des villes sans crainte des temps de trajet pour cet « après confinement » deviennent plus facilement envisageables. Le sens de nos quotidiens, du travail, de l’activité a déjà sans doute emprunté de nouveaux chemins, de nouvelles approches chez de nombreux collaborateurs déstabilisés par la pandémie. Ces nouvelles aspirations ou manières d’envisager nos activités, l’entreprise et la vie en société vont amener ces mêmes entreprises à définir d’autres possibles, à revoir les valeurs qu’elles portent. 

Allons plus loin : choisir son nouvel employeur en fonction de son éthique pourrait être la quête de certains cadres dans les mois à venir, et sans aller jusque-là, ce seront peut-être les modalités du quotidien qui demanderont à être revues.  Prenons acte de ce que ces dernières semaines ne marquent pas la fin d’un monde mais plutôt une transition d’un système bâti entre ceux qui ordonnent et ceux qui exécutent à des rapports plus flexibles, construits dans la coopération.

Descartes considérait que travailler, c’est vouloir modifier le monde qui nous entoure. Nous sommes confrontés à une nouvelle donne depuis quelques mois : c’est le monde qui nous entoure qui nous oblige à nous projeter différemment.

Albano Saldanha

Directeur des contenus

saldanha@makheia.com