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#1 Réseaux sociaux : comment reconstruire demain ?

La crise du Covid-19 et les mesures de confinement national dont elle a fait l'objet ont très fortement modifié notre quotidien professionnel et privé.
Publié le : 8 juin 2020

La crise du Covid-19 et les mesures de confinement national dont elle a fait l’objet ont très fortement modifié notre quotidien professionnel et privé. Notre capacité d’adaptation a été rapidement mobilisée. Nos habitudes se sont substantiellement modifiées. Cette multitude d’évolutions et la vitesse à laquelle elles se sont effectuées, ne nous ont pas toujours permis de prendre du recul et d’analyser leurs conséquences. Or, aujourd’hui il est essentiel de capitaliser sur l’ensemble de ces changements pour mieux appréhender la reconstruction du monde d’après. Ainsi, m’est-il apparu essentiel de procéder à un large tour d’horizon des différents leviers et signaux qui, en termes de communication, pourront nous aider à être en phase avec les besoins, les modes de fonctionnement et surtout les actions au sujet desquels les marques sont attendues. Une attention toute particulière sera portée aux plateformes communautaires. Véritable rencontre avec les publics, les enseignements qu’elles mettent en lumière n’ont jamais cessé de me surprendre. La période singulière que nous traversons n’a, en ce sens, fait que conforter ce constat.

Le confinement, marche forcée vers une transformation accélérée.

La crise sanitaire a largement accéléré les mutations et la transformation numérique des entreprises. La majorité d’entre elles ne soupçonnaient même pas les forces, ressources et moyens qui leur ont permis d’évoluer aussi brusquement. La résistance au changement, si souvent avancée dans le cadre des stratégies de transformation, s’est dissipée face aux risques qui, cette fois, ne touchaient pas seulement l’activité de l’entreprise mais très directement l’ensemble de ses collaborateurs. Aujourd’hui aux États-Unis, 67 % des employés soutiendraient la décision de leur employeur d’obliger les collaborateurs à travailler à domicile indéfiniment.

S’inscrire dans l’agilité, faire évoluer ou même totalement revisiter l’existant est dorénavant devenu indispensable. Au sein de ces rapides bouleversements, les stratégies de communication ont également dû s’adapter. Le social media, point de rencontre direct avec les publics, est riche d’indices pour mieux aborder le monde d’après. Les prendre en compte et les analyser permet d’éclairer un demain qui, bien plus qu’une reprise, semble s’inscrire dans une réelle reconstruction. Les défis, questions et incertitudes seront à relever graduellement et surtout collectivement. S’il est entendu que nous ne pouvons prédire l’avenir, les réseaux sociaux peuvent nous aider à le planifier.

Les espaces numériques, rendez-vous incontournable de l’engagement.

Dans le contexte de crise actuelle, les marques ont majoritairement maintenu leur production de contenus organiques et diminué leurs dépenses publicitaires sur les espaces numériques. A noter cependant que, considérant les coûts particulièrement bas de la publicité en ligne dans les régions infectées, certaines marques ont investi en achat d’espace afin de diffuser leurs messages à une plus large audience. La conjugaison d’une stratégie intelligente de contenu et d’un plan média bien orchestré a alors confirmé toute son efficacité.

Au 1er trimestre 2020 l’usage des réseaux sociaux a explosé avec 304 millions de socionautes supplémentaires (+8,7%). Facebook rapporte que sa messagerie a augmenté de plus de 50% en mars. Les vues d’Instagram et Facebook Live ont doublé en une semaine. Et, selon Twitter, les tweets liés au COVID-19 se sont partagés toutes les 45 millisecondes, le hashtag #coronavirus devenant le deuxième le plus utilisé en 2020.

Pour autant, le nombre de posts publiés par jour par les marques, tout secteur confondu, est resté en moyenne à peu près le même (baisse de seulement 0,2 post / jour) comparé au premier trimestre et à avril 2020.

Les marques n’ayant pas investi de plans média particulièrement ambitieux, l’évolution des audiences et du trafic, notamment les 70% d’augmentation de la navigation sur le web, ne seront vraisemblablement pas suivis d’une rentabilité accrue des espaces numériques.

Alors qu’est-ce que la crise a changé dans l’appréciation que les marques peuvent avoir des réseaux sociaux ? Incontestablement les performances de l’engagement ont confirmé que les plateformes communautaires étaient leur berceau privilégié. Au fur et à mesure de l’avancée de la pandémie, l’engagement a augmenté de 61 % par rapport aux taux observés habituellement précise une étude de Kantar.

Bien entendu, si les tendances de l’engagement ont continué de suivre celles des publications, les données ont largement varié en fonction des secteurs.

Ainsi, l’engagement a particulièrement augmenté pour les entreprises impliquées dans des produits de la vie quotidienne devenus de réelles priorités (biens de consommation, soins de santé, médias et divertissement). A l’inverse, pour les autres secteurs, le volume de publications ayant chuté, les engagements ont diminué (domaines du sport, de la vente au détail, des services juridiques).

Qu’elles soient restées actives ou se soient davantage effacées, les marques vont devoir engager leurs publics dans la reconstruction du monde d’après. Les leviers que les réseaux sociaux concentrent à cet effet ne sauraient décroître face à la mobilisations dont nous allons devoir faire preuve. C’est donc en parfaite harmonie et légitimité avec ce qu’elles sont et surtout avec ce qu’elles vont faire, que les marques pourront sur les réseaux sociaux s’exprimer, parler avec leurs publics, collaborer, co-créer. Il s’agit de rencontrer cet engagement dont nous allons tous avoir à présent tant besoin.

Les changements de comportement, indicateurs d’évolutions futures.

Même si elles ne sont que des signaux faibles dont il est difficile d’évaluer la pérennité, il est intéressant de souligner les modifications de comportement des internautes. Les plateformes communautaires ont toujours su s’adapter aux attentes de leurs publics, elles pourraient donc s’en inspirer pour de nouvelles évolutions.

Une première évolution comportementale que nous avons relevée pendant cette période de crise : les socionautes se sont particulièrement adonnés à un usage croisé de leurs différents espaces numériques. Cette dynamique est, sans surprise, très fréquemment activée à partir des plateformes qui l’avaient originellement favorisée. Les vidéos Tiktok s’affichent ainsi avec succès sur tous les réseaux.

Un autre exemple illustrant cette tendance : le tweet de Jack Dorsey qui, pour expliquer comment il va injecter 1 milliard de dollars dans la lutte contre le Covid19, s’appuie sur un Google Sheets. Le tableur le plus partagé auquel j’ai eu accès jusqu’à présent !

Cette tendance à utiliser le meilleur de chaque plateforme pour diffuser ses contenus permettra-t-elle de diminuer la posture concurrentielle des différents acteurs du numérique ? Tendrons-nous à plus de collaboration, voire co-création, entre les différents réseaux sociaux ? Quoi qu’il en soit le décloisonnement des espaces numériques semble répondre à une attente forte des publics.

Un deuxième changement comportemental réside dans l’utilisation des formats. Les médias et professionnels de la photo ont légitimement continué de communiquer par le visuel, parfois de façon spectaculaire tel cet article dans The New-York Times.

Mais, les socionautes ont semble-t-il souvent privilégié le texte. Les photos en temps réel de leur confinement étaient d’évidence moins intéressantes ou esthétiques qu’à l’accoutumée. A noter cependant, la très belle initiative des créatifs de FCB Chicago @robynhfrost et @VctriaRsslli qui les ont transformées en cartes postales de vacances de style vintage.

Parallèlement à ce retour du texte, le besoin d’échanges et de conversations ont engendré une augmentation de la longueur des prises de parole. La généralisation de longs thread sur Twitter en est un exemple. Dans les premiers jours de mai Threader app a indexé plus de 1,2 million de fils, devenant la plus grande base de données publique de ce format après Twitter.

Capitalisant sur un temps de fréquentation rallongé (près d’1 internaute sur 2 passe plus de temps sur les réseaux sociaux qu’avant l’instauration du confinement), des marques ont aussi communiqué avec des formats exceptionnellement longs ainsi Audi et son film de quatre heures sur YouTube !

Le format audio n’est pas en reste. Lors du confinement les podcast ont augmenté leur audience européenne de 53% alors que, dans le même temps, les États-Unis, habitués à écouter ces formats pendant leurs déplacements, affichent une baisse de 20%.

Notons également le succès de startup, tel que Clubhouse, une application social média basée sur la voix qui permet aux utilisateurs de rejoindre des salles virtuelles ouvertes pour écouter, participer à des conversations fluides car organisées.

A l’heure où j’écris ClubHouse vient de lever un tour de financement de série A, dans un accord qui comprend 10 millions de dollars en capital primaire et au moins 2 millions de dollars en actions secondaires, valorisant la société à environ 100 millions de dollars.

Post confinement, les formats textuels et l’audio rencontreront-ils toujours autant de succès ? La mobilité retrouvée poussera-t-elle, de nouveau, vers des formats plus accessibles que le texte ? L’audio s’étant installé au domicile des Européens poursuivra-t-il l’évolution de son usage, tout aussi confortable, dans leurs déplacements ?

Enfin, l’usage accru des vidéoconférences a eu une résonance sur les réseaux sociaux avec une généralisation des visuels de background. Burger King a vite compris l’intérêt d’exploiter cette tendance. La marque a organisé une opération #HomeOfTheBillboards mettant en jeu ses célèbres Whopper pour toute utilisation d’un de ses panneaux d’affichage en toile de fond virtuelle d’une vidéo call.

Ainsi, verrons-nous peut-être à l’avenir des stratégies de placement produits se généraliser à partir des backgrounds.

Sandrine Andro

directrice du planning stratégique et du département médias sociaux

sandro@makheia.com